Repenser l’avenir des plastiques

La pollution plastique est désormais un défi environnemental majeur exigeant un nouvel accord mondial et des solutions durables. Les normes sur les plastiques peuvent s’avérer particulièrement utiles.

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Par Rick Gould
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Le 2 mars, lors de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement à Nairobi, au Kenya, les représentants de haut niveau de 175 États ont approuvé une résolution historique visant à mettre un terme à la pollution plastique. Cette résolution débouchera sur un accord international juridiquement contraignant d’ici la fin 2024, dont l’objectif sera d’assurer la durabilité de l’ensemble des plastiques.  

Les plastiques, en particulier ceux à usage unique, font régulièrement la une des journaux partout dans le monde, non sans raison. Selon les Nations unies, le monde et ses océans sont envahis par les matières plastiques. À tel point que, d’après la Fondation Ellen MacArthur, il pourrait y avoir davantage de plastique que de poissons dans les océans à l’horizon 2050. 

Si les images de monceaux de matières plastiques recouvrant nos océans retiennent l’attention, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) souligne par ailleurs que les plastiques présents dans les sols menacent la santé humaine et la sécurité alimentaire. En décembre dernier, la FAO a ainsi publié un rapport saisissant, intitulé Assessment of agricultural plastics and their sustainability: a call for action, qui décrit en détail comment une multitude de plastiques utilisés à des fins agricoles, en particulier les microplastiques, finissent dans la chaîne alimentaire. 

Le plastique en chiffres 

Quelle est donc l’ampleur du problème ? Les plastiques ont fait leur apparition en 1950. Cette année-là, leur production a entraîné une pollution plastique d’environ deux millions de tonnes (MT). En 2020, la croissance exponentielle de la production de matières plastiques a fait passer ce chiffre à environ 400 MT. À ce rythme, la production de plastiques devrait doubler d’ici 2040 et être multipliée par 2,5 d’ici 2050. Or, si rien n’est fait pour changer les méthodes employées pour fabriquer et gérer les plastiques, le problème de la pollution plastique ne cessera de prendre de l’ampleur. 

En théorie, les plastiques devraient être facilement recyclés ou du moins réutilisés. Pourtant, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), moins de 20 % de l’ensemble des plastiques sont recyclés, ce qui signifie que plus de 80 % des plastiques finissent dans notre environnement. L’OCDE a par ailleurs qualifié le marché mondial des plastiques de dysfonctionnel en raison de la montagne croissante de déchets plastiques et de taux de récupération, de réutilisation et de recyclage particulièrement faibles. 

Le cycle de vie des plastiques contribue en outre au réchauffement climatique. Selon un rapport des Nations unies de 2021 intitulé From Pollution to Solution: a global assessment of marine litter and plastic pollution (De la pollution à la solution : une évaluation mondiale des déchets marins et de la pollution plastique), les plastiques ont contribué à hauteur de près de 4 % au réchauffement climatique en 2015. Ce chiffre devrait atteindre 15 % à l’horizon 2050, ce qui compromettrait les efforts mis en œuvre pour atteindre les objectifs fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. 

Le monde et ses océans sont envahis par les matières plastiques.

Five African women walk across the barren landscape carrying water tanks on their backs.
Thai women picking rice in flooded paddy field.

Si l’on examine cette question à la lumière du sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), paru récemment, et des prévisions alarmantes du GIEC en ce qui concerne les effets des changements climatiques si nous n’agissons pas maintenant, la croissance incontrôlée des plastiques à usage unique représente une sérieuse menace, mais aussi une formidable opportunité, pour autant que l’on envisage d’y faire face en améliorant la conception, la réutilisation et le recyclage des matières plastiques.  

La transition vers une économie circulaire 

L’accord juridiquement contraignant de l’ONU visant à contrer les effets extrêmes sur l’environnement et les risques associés aux plastiques a vu le jour deux semaines avant la Journée mondiale du recyclage. Il aura pour objectif de parer aux multiples risques associés aux plastiques. L’ONU affirme qu’elle s’attaquera à l’ensemble du cycle de vie des plastiques, en exigeant des plastiques conçus en vue d’être réutilisés et recyclés, marquant ainsi la fin des plastiques à usage unique. En d’autres termes, l’accord de l’ONU vise à transformer le cycle de vie des plastiques afin de passer d’un modèle linéaire à un modèle circulaire.  

Les normes sont essentielles pour mettre fin à l’économie du jetable dans le monde. Selon Achim Ilzhöfer, Responsable de l’économie circulaire à l’échelon mondial, Covestro AG, et Président du groupe de normalisateurs de l’ISO chargé des aspects environnementaux associés aux matières plastiques, « les normes ISO sont des catalyseurs et pourraient même s’avérer un véritable moteur pour de nouveaux marchés au sein d’une économie circulaire en devenir ».  

Les matières plastiques sont nombreuses et diverses, et les méthodes de production aussi complexes que les marchés desservis. C’est précisément sur ce point que la normalisation est appelée à jouer un rôle primordial, en spécifiant les caractéristiques des plastiques et de leurs chaînes d’approvisionnement pour les rendre durables. « Les normes ISO pourraient préciser, au niveau international, les modalités permettant de faciliter l’échange d’informations entre les différents acteurs de la chaîne de valeur tout en protégeant la propriété intellectuelle, et de passer d’une économie linéaire à une économie circulaire s’agissant de l’utilisation des plastiques », ajoute-t-il.  

Il en va de même pour les technologies de récupération et de recyclage des matières plastiques. Les normes et rapports techniques de l’ISO sont à même de promouvoir la mise au point de flux de recyclage spécifiques et des meilleures technologies disponibles à l’échelon mondial. « Le rôle de la normalisation ISO est de catalyser les marchés et de relier les points faibles pour rendre les économies globalement plus efficaces et plus durables », explique M. Ilzhöfer. 

En tant que responsable de l’économie circulaire pour un fabricant de polymères, M. Ilzhöfer apprécie les avantages de la normalisation. « Dès le début de ma carrière scientifique, j’ai pu constater que les normes facilitaient la vie des différents acteurs, la nôtre comme celle de nos fournisseurs et de nos clients. Du point de vue du consommateur, elles permettent de comparer, de manière normalisée et crédible, les produits les plus durables », affirme-t-il.  

Le cycle de vie des plastiques contribue en outre au réchauffement climatique. 

Multi-colored plastic flakes at a recycling center. Photographer: SeongJoon Cho/Bloomberg

En tant que praticien du secteur des plastiques et acteur de la normalisation internationale, M. Ilzhöfer est déterminé à trouver des solutions et à promouvoir la normalisation pour une production et une consommation durables des matières plastiques. « Les normes ISO offrent potentiellement des solutions pour régler des problèmes cruciaux, tels que le traitement inapproprié des déchets plastiques et leur impact environnemental, par exemple celui des microplastiques », précise-t-il.

Des solutions fondées sur les normes

Les appels en faveur d’une économie plus circulaire pour les matières plastiques intègrent notamment des propositions visant à améliorer les normes relatives à la recyclabilité et au contenu recyclé des plastiques, ainsi qu’à la biodégradabilité et à la réutilisation. M. Ilzhöfer peut citer de nombreuses normes ISO ayant favorisé la durabilité des plastiques. « ISO 15270:2008, Plastiques – Lignes directrices pour la valorisation et le recyclage des déchets plastiques, est un exemple parmi d’autres. Cette norme fixe un cadre pour l’élaboration d’autres normes et spécifications sur la valorisation des déchets plastiques, y compris par le biais du recyclage – un bon moyen de boucler la boucle », explique-t-il. 

M. Ilzhöfer et ses pairs au sein des groupes de travail de l’ISO entendent également élaborer d’autres normes pour promouvoir le développement et l’utilisation durables des plastiques. « Pour accroître les taux de recyclage, nous devons améliorer la collecte et le tri des plastiques, et donc l’identification des matières plastiques contenues dans les produits arrivant sur les marchés des déchets », souligne-t-il.  

 

Les normes sont essentielles pour mettre fin à l’économie du jetable dans le monde. 

Les normes relatives à la conception à des fins de recyclage, aux solutions de suivi et de traçabilité et à la gestion des déchets constituent la base d’une phase de recyclage viable sur les plans écologique et économique. M. Ilzhöfer est en outre convaincu que la normalisation appliquée aux matières premières à base de déchets concernant différentes technologies de recyclage aura un effet immédiat sur le développement du marché mondial dans l’optique d’augmenter le taux de recyclage. 

« Depuis la publication en 2008 de la première norme relative à la récupération et au recyclage, de nouveaux procédés de recyclage chimique plus efficaces ont été mis au point. Désormais, une normalisation plus poussée soutiendra la mise en œuvre mondiale d’installations de recyclage afin d’augmenter le taux de recyclage des matières plastiques », conclut-il. 

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